Pourquoi l’empire a duré 2000 ans ?

Publié le par Lionel Breux

 

L’empire chinois a duré de 221 avant J-C (date de l’unification de l’empire chinois) à 1912 (date de la proclamation de la République de Chine).

 

  1. Le temps des royaumes combattants.

 

Avant l’empire des Qin, la Chine est composée de pays partageant une culture commune du point de vue religieux, politique et sur le plan de la langue écrite. Le roi se dit le fils du ciel et possède plusieurs prérogatives religieuses. Les différentes principautés sont théoriquement vassales du roi des Zhou. Au début des Zhou, les rois ont délégué leur pouvoir à des chefs auxquels ils distribuent des fiefs héréditaires ainsi que des titres.

 

Du XIIe au VIIIe siècle, ce régime féodal se maintient, mais, sous la pression de populations non chinoises, les Zhou doivent, en 771 avant J-C, déplacer leur capitale, située dans la rivière de la vallée de la rivière Wei. Dès lors, le pouvoir des rois de Zhou s’affaiblit, au profit des princes vassaux, et le domaine royal se réduit considérablement. Au Ve siècle avant J-C débute la période des royaumes combattants (481-221 avant J-C). Elle est marquée par de nombreuses guerres entre les souverains des Etats de la région. Le roi des Zhou n’a plus qu’un pouvoir symbolique.

 

  1. Le temps des maîtres penseurs.

 

L’époque des royaumes combattants est marquée par une effervescence intellectuelle. C’est la grande période des maîtres à penser dont les œuvres nourrissent la culture chinoise.

 

Ce que souhaitent ces maîtres-penseurs, c’est convaincre les souverains et l’élite au pouvoir du bien-fondé et de l’efficacité de leurs propositions : certains y parviennent comme Shang Yang (390-338 avant J-C) et Han Fei (280-233 avant J-C) dans le pays Qin, d’autres échouent de leur vivant, comme Confucius (551-479 avant J-C).

 

Trois principaux courants de pensée ont traversé l’époque des royaumes combattants : le légisme, le taoïsme et la doctrine des lettrés.  Le légisme, école représenté par Shang Yang, qui fut ministre au pays de Qin au IVe siècle avant J-C, prône la loi et rien que la loi. Le taoïsme est représenté par deux grands textes antiques : le livre de la voie et de la vertu attribué à Lao Tseu, et un autre écrit, le Zhuangzi. Le taoïsme préconise la culture intérieure, la préservation de soi et le retrait. L’une des notions fondamentales du taoïsme est le « non-agir », une absence d’ingérence dans le cours naturel des choses. La doctrine des lettrés se rattache à la personne de Confucius et à sa doctrine. Elle met l’accent sur la hiérarchie sociale : piété filiale au sein de la famille, et respect du souverain et du système féodal dans le domaine politique. Dans le confucianisme, le souverain doit être un modèle de vertu qui civilise son royaume par son exemple, tel un soleil qui rayonne.

 

  1. L’ascension du royaume de Qin.

 

Dans plusieurs des Etats du monde chinois, les IVe et IIIe siècles avant J-C sont des siècles de réformes et d’évolutions économiques, sociales et militaires qui permettent à certains pays de devenir de véritables superpuissances. C’est le cas de l’empire des Qin qui à partir des réformes centralisatrices lancées par Shang Yang, voit son économie fondée sur l’agriculture. Les réformes de Shang Yang visent à limiter le pouvoir des éminentes familles de la noblesse en restructurant la société autour de la loi et en accordant plus de place aux mérites individuels qu’à l’ascendance sociale ou au statut nobiliaire, pour ceux qui portent un titre. Le défrichage et l’agriculture sont stimulés par l’Etat. Le territoire est découpé en circonscriptions administratives, les commanderies. Les poids et les mesures, l’écriture, sont unifiés.

 

En 221 avant J-C, l’unification territoriale est achevée avec l’annexion du dernier état chinois indépendant, celui de Qi. Le roi décide alors de changer de titre, pour celui d’empereur. Shang Yang applique partout dans le nouvel empire les mesures unificatrices et centralisatrices qui avaient le succès de l’Etat. C’est ainsi la fin de la féodalité qui prévalait jusque-là. Désormais, la Chine est unifiée sous l’égide du seul monarque : les lois, l’écriture, les poids et mesures, les écartements des essieux sont les mêmes d’un bout à l’autre du territoire.

 

Cependant, la dynastie impériale ne lui survit pas. La dureté du système législatif et la lourdeur des corvées provoquent une forte hostilité à l’égard du régime au sein du peuple. La mise au pas idéologique promue et appliquée par le premier ministre Li Si, qui culmine en 213 avant J-C par un autodafé de tous les livres non agréés par le pouvoir et, l’année suivante, par l’exécution de 400 lettrés suspectés d’activité séditieuse, suscite l’opposition de l’élite instruite.

 

Dès la mort du premier ministre en 210 avant J-C, le pays commence à se révolter. Son fils, intronisé second empereur, est assassiné en 207 avant J-C. il revient à un petit fonctionnaire des Qin aux origines populaires, Liu Bang, de fédérer des groupes insurgés, de mettre officiellement à bas les Qin, de reprendre le titre d’empereur en 202 avant J-C et de fonder sa dynastie, les Han.

 

  1. La carte et le territoire.

 

Les empereurs Han, qui réussissent à maintenir leur dynastie pendant quatre siècles, poursuivent l’œuvre du premier empereur, mais en adoucissant le système législatif, et en restaurant en partie celui des fiefs. Par ailleurs, le confucianisme, est graduellement chois comme la doctrine officielle de l’empire.

 

Les périodes où la Chine fut fragmentée en plusieurs Etats ont toujours été présentées de manière négative, et les souverains des différents Etats ont toujours souhaité revenir à l’unité, même lorsqu’ils avaient des origines étrangères à la Chine. Ce principe est si ancré dans la culture politique qu’il a permis à la Chine d’être réunifié à maintes reprises. Ainsi, sous l’égide de la dynastie Sui, qui ouvre la voie à l’âge d’or des Tang, après la chute des Han au IIIe siècle de notre ère, et les trois siècles de fragmentation territoriale qui suivent.

 

La dynastie Tang, qui dure de 618 à 907, est marquée dans le domaine politique par l’amélioration et la systématisation de l’administration, ainsi que par l’apparition d’examens écrits pour le recrutement des fonctionnaires. L’expansion territoriale stimule les contacts avec l’Asie centrale et l’Asie du Sud-Est. Au VIIIe siècle, Chang’an, la capitale, est une ville cosmopolite, où, par le biais des routes de la soie, se croisent Arabes, Iraniens, Syriens, Coréens, Indiens…

 

  1. Dynasties étrangères.

 

L’empereur de Chine n’est pas forcément chinois. On peut citer, parmi les souverains étrangers qui régnèrent sur tout ou partie de la Chine, les empereurs turcophones de la dynastie des Wei du Nord aux IVe, Ve et VIe siècles de notre ère, les Mongols gengiskhanides, qui installèrent leur capitale à Pékin en 1271 et qui fondèrent en Chine la dynastie des Yuan (1279-1368), puis enfin les Mandchous, qui établirent la dynastie des Qing (1644-1911) en renversant les Ming (1368-1644). Ce sont les Mandchous qui imposent aux chinois l’usage de la natte sous peine de mort.

 

Ils sont les derniers à régner, avant la fondation de la République en 1912. Ils ont porté à son degré le plus complexe le système impérial chinois, qu’ils ont adapté à leurs propres traditions. Ils ont étendu le territoire de l’empire, en apportant la Mandchourie, la Mongolie, puis le Turkestan chinois et le Tibet. Ils ont régné sur une diversité de peuples jamais atteinte auparavant, et ont eu le génie de se présenter de manière différente selon les populations auxquelles ils s’adressaient. Le grand Qianlong, qui règne entre 1735 et 1796, a appris de nombreuses langues de son empire afin de s’adresser à ses sujets.

 

La période qui suit le règne de Qianlong constitue un long déclin qui s’achève au début du XXe siècle par la chute du régime. Les causes en sont multiples : crise économique, essor démographique, inadaptation du système politique et administratif à un pays vaste et très peuplé. Les guerres de l’Opium (1839-1860) et l’ouverture forcée au commerce avec les puissances occidentales aboutissent à l’affaiblissement de l’empire sino-mandchou, qui subit en outre des révoltes internes (révolte des Taiping, 1850-1864, révolte des Boxeurs, 1899-1901), ainsi qu’une guerre contre le Japon (1894-1895), et une contre la France (1884-1885), dans le Sud-Ouest tonkinois. Malgré plusieurs tentatives de modernisation, l’empire, aux mains de l’impératrice Cixi (1861-1908), ne parvient pas à se réformer suffisamment, et meurt en 1912.

 

Damien Chaussende, Pourquoi l’empire a duré 2000 ans ?, revue l’Histoire, n°431, janvier 2017, pages 34 à 45.

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