L'Orient ancien : notes de lecture.

Publié le par Lionel Breux

L’Orient ancien : mythes et histoire.

 

Centre vital du croissant fertile, la Mésopotamie tire son nom d’un terme grec qui signifie « entre les fleuves » (le Tigre et l’Euphrate).

 

Cet espace est un lieu de brassage continuel et il est parfois difficile de déterminer ce qu’une civilisation a emprunté ou apporté à une autre.

 

Dans quelle mesure l’Orient ancien est le berceau de formes d’organisation politiques, de mythes et de croyances ?

 

 

1.    Quelles sources pour quelle histoire ?

 

A.    Les différents types de sources.

 

L’historien de la Mésopotamie dispose d’abord des sources archéologiques, où les archéologues, après avoir dégagé un secteur et établi une stratigraphie, vont inventorier le matériel, le classer et l’enregistrer. Une fois l’objet étudié, situé dans le temps et dans l’espace, il faut déterminer sa diffusion afin d’estimer l’étendue spatiale de la civilisation à laquelle il appartient et trouver une explication à son évolution. Chaque civilisation se caractérise par un type d’habitat, de céramique, de pratiques funéraires, voire d’habitudes alimentaires. Le Proche-Orient livre une iconographie abondante depuis le néolithique. Peintres, bas-reliefs, statues, sceaux-cylindres deviennent les supports privilégiés de l’idéologie royale et témoignent de son évolution. Les progrès techniques, notamment dans le domaine militaire, sont mis en exergue : ainsi, l’armement lourd des Sumériens de la stèle des Vautours fait place à la légèreté des armes des soldats babyloniens représentés sur la stèle de Naram-Sîn.

 

A partir du IVe millénaire avant J-C, apparaît l’écriture. Les supports sont variés. La pierre ou le métal sont utilisés pour les inscriptions officielles accompagnées d’iconographie (la stèle portant le code de lois de Hammurabi par exemple). Mais le support le plus courant est l’argile crue sous forme de tablettes, de briques estampillées au nom du roi, de scellements de portes ou de jarres. A partir du IIe millénaire avant J-C, les scribes utilisent aussi des plaques de bois reliées par des charnières et recouvertes de cire. Tous ces écrits sont des textes gravés ; c’est pourquoi leur étude porte le nom d’épigraphie (du grec epigraphein « inscrire »). A partir du Ier millénaire avant J-C, de nouveaux supports plus légers sont adoptés dans l’ensemble du bassin méditerranéen : le parchemin (peau) et le papyrus que l’on roule. Les noms donnés à l’étude de ces documents écrits à l’encre viennent également du grec : la paléographie est l’étude des anciennes écritures et la papyrologie celle des écrits sur papyrus.

Certains documents jugés importants par les particuliers ou le pouvoir sont soigneusement conservés dès l’origine. Les tablettes sont alors placés dans des jarres ou dans des pièces spéciales, sous scellées. Au Ier millénaire avant J-C, les rouleaux de papyrus sont placés dans des placards à petits casiers.

Ces écrits sont souvent des textes économiques et administratifs datés du jour, mois et année (comptes divers, reçus, justificatifs de dépenses, listes de personnels, inventaires…), de textes juridiques (comptes-rendus de procès, contrats de vente ou de prêt, adoption ou héritage), de lettres… bref, tous les textes qui font foi en cas de contestation. Les textes officiels rédigés à l’initiative des palais constituent un autre type de documents. Ils reflètent l’image que la royauté souhaite donner d’elle-même. Ce sont les inscriptions royales, les traités internationaux, les codes de lois. Viennent enfin les textes d’apprentissage, les textes scientifiques et techniques, les textes religieux.

 

B.    La Bible, source d’histoire ?

 

Parmi les sources écrites, les premiers livres de la Bible hébraïque se présentent comme une histoire narrative des Fils d’Israël. Ils sont toutefois à prendre avec précaution pour plusieurs raisons. Leur rédaction est tardive. La tradition a été déformée à la fois au cours de sa transmission orale et à l’occasion de sa mise par écrit. Deux objectifs ont guidé les rédacteurs des premiers livres (dits « historiques » par la tradition chrétienne) : chercher quelle faute le peuple a commise envers son dieu, origine des catastrophes qui surgissent ; inciter ce peuple à se tourner à nouveau vers son Dieu pour se reconstruire en tant que communauté. Les faits ne sont donc pas présentés tels qu’ils se sont déroulés mais plutôt en ce qu’ils signifient pour l’histoire d’Israël.

Avant le Ier millénaire avant J-C, celle-ci est difficile à replacer dans le cadre de l’histoire générale du Proche-Orient. En effet, Abraham, Moïse, ne sont connus que par la Bible. Jusqu’au règne de David, l’histoire d’Israël est présentée comme celle de migrations, hors les nomades laissent peu de traces.

 

Les migrations décrites dans les premiers livres bibliques ont pu être rapprochées des grands mouvements de populations de la fin du IIIe millénaire avant J-C. dans la Genèse, Abraham et sa famille, installés à Ur en Basse-Mésopotamie, migrent vers le nord à Harrân ; de là, ils se dirigent en Canaan, entre Jourdain et Méditerranée.

Les descendants d’Abraham (Joseph puis son père Jacob) migrent en Egypte à la suite d’une famine. A partir du deuxième livre de la Bible, l’Exode, Moïse fait sortir les Fils d’Israël d’Egypte et les emmène au Sinaï, puis en Transjordanie.

Ceux-ci nomadisent à travers le Sinaï et errent pendant 40 ans avant d’atteindre Jéricho.

 

Les tribus s’installent progressivement le long de la côte, dans les montagnes de Cisjordanie, dans la vallée du Jourdain et en Transjordanie. Il n’existe pas encore d’Etat unifié même si une organisation commune se met en place devant la nécessité de se défendre face aux attaques extérieures. A cette époque apparaît la première mention du peuple d’Israël en dehors d’un contexte biblique, sur la stèle du pharaon Merneptah, fils de Ramsès II, datée des environs de 1219 avant J-C.

A partir du Ier millénaire avant J-C, les sources d’origines diverses se multiplient. Pour les fils d’Israël, il est nécessaire d’assurer une plus grande cohésion face aux mouvements de population qui affectent la région au XIIe siècle. Ainsi, les Philistins, contre lesquels ils se battent, dans le Livre des Juges, font partie des peuples de la mer installés le long de la côte et sont mentionnés dans les écrits égyptiens datés de Ramsès III (1188-1185). L’unification du peuple d’Israël et la mise en place de la monarchie sont présentée comme une réponse à cette situation de luttes incessantes. Le premier roi, Saül (1030-1010), a une politique tournée vers la défense de ce nouvel Etat. David (1010-970) mène au contraire une politique offensive : il repousse les Philistins jusqu’à la côte et les araméens vers l’Est. David fait de Jérusalem sa capitale, y dépose l’arche d’alliance contenant les tables de la loi. Son fils, Salomon (970-931) construit le Temple de Jérusalem dans lequel il fait déposer l’arche. A la mort de Salomon, le royaume se divise en deux : Israël au Nord, Juda (Jérusalem) au Sud.

 

 

2.    Formes de pouvoir et occupation des territoires.

 

A.    Les formes successives du pouvoir.

 

Dans le sud de la Mésopotamie apparaissent de petites cités-Etats rivales. Chacune est organisée de façon hiérarchique autour d’une ville principale. La structure politique interne de ces Etats n’est pas très bien connue. Il existe une autorité centrale mais le titre porté par le dirigeant est très variable : en à Uruk, ensi à Lagash, lugal ailleurs. Ce dernier titre, qui signifie « homme grand », finit par devenir le plus courant.

 

Aux IIIe et IIe millénaires avant J-C, des constructions plus vastes sont édifiées. Akkad devient au XXIVe siècle avant J-C la capitale d’un Etat fondé par le roi Sargon, agrandi par ses successeurs de la Syrie à l’Iran et jusqu’au golfe persique. Le changement d’échelle a pour corollaire le passage d’un régime de cité-Etat à un grand Empire. Le pouvoir central est installé dans la capitale. Les anciennes cités deviennent le siège de gouvernements provinciaux. Le roi prend alors le titre de « roi de Sumer et d’Akkad », façon de désigner l’ensemble de la Mésopotamie. La langue akkadienne supplante alors le sumérien.

 

Au XXIe siècle, après l’effondrement de l’empire Akkad, plusieurs Etats apparaissent dans le pays de Sumer. Le plus important est celui d’Ur. Ur-Nammu, le fondateur de la dynastie, est à l’origine de cette organisation. Sous son règne a lieu la rédaction du plus ancien code de lois connu. Roi bâtisseur, Ur-Nammu fait construire les premières ziggurat, tours à étages à vocation religieuse.

Le long règne de Shulgi (48 ans), son successeur, est un autre moment clef. Ce roi entoure l’empire d’une ligne de fortifications, met en place une armée régulière, noue des contacts diplomatiques et des alliances par le biais de mariages princiers. Parallèlement, il effectue une série de réformes politiques, administratives et économiques. Il place à la tête de chaque province un gouverneur civil doublé d’un gouverneur militaire, chacun relevant directement de l’autorité royale. Il réorganise le fonctionnement des Temples en contrôlant toutes leurs propriétés foncières. Il unifie les taxes et établit des voies de communication à travers le royaume afin de développer le commerce. Il réforme les études scribales, le système d’écriture, celui des poids et mesures ainsi que les procédures de comptabilité. Il tente aussi d’imposer à l’ensemble de l’Empire un calendrier unique, mais sans grand succès.

 

Après l’effondrement de l’empire d’Ur, deux puissances se disputent le terrain : l’Assyrie et la Babylonie. Cette dernière forme un grand royaume sous Hammurabi (1792-1750), l’un des premiers rois à se référer à un grand ancêtre ayant laissé un souvenir impérissable. Dès lors, l’appartenance à une lignée royale est mise en valeur par chaque souverain.

 

B.    Les grands empires (seconde partie du IIe millénaire et Ier millénaire avant J-C).

 

La seconde partie du IIe millénaire avant J-C marque un relatif équilibre entre les Etats puissants qui ne peuvent établir leur domination les uns sur les autres. Une période de prospérité économique et culturelle s’ouvre, au cours de laquelle évolue la conception du pouvoir royal. Ainsi, le titre de « grand roi » est porté à la fois par les souverains hittites, kassites, assyriens et même égyptiens.

 

Au Ier millénaire avant J-C, les constructions étatiques sont encore plus vastes. Pour gérer l’empire néo-assyrien (Assyrie, Babylonie, Egypte), immense, Sargon II met en place un système de routes et de relais. Les messagers peuvent dormir et changer leurs mules tous les 30 km. Il décide aussi d’ériger une nouvelle capitale qui porte son nom, Dûr-Sharrû-Kîn, la forteresse de Sargon. A sa mort en 705 avant J-C, son fils Sennacherib déplace la capitale à Ninive, vieille cité située à proximité d’un gué du Tigre, au cœur d’une vaste plaine très fertile.

A l’intérieur de ces frontières, depuis Sargon II, s’est mis en place un empire centralisé. L’exaltation de la personne royal culmine sous le règne d’Assurbanipal (668-627). La titulature se développe. Le roi n’a plus pour seule vocation d’être le « roi du pays d’Assur », il est le « roi de l’univers », « roi des 4 régions », c’est-à-dire du monde. Le roi est pourvu de grandes qualités physiques et morales. C’est aussi un grand savant. Formé par les scribes du palais, il sait lire et écrire en Akkadien et en sumérien. Il connaît les mathématiques. Il crée à Ninive, la ville aux jardins suspendus, une immense bibliothèque dans laquelle sont réunis œuvres littéraires, textes médicaux, listes bilingues de vocabulaires (sumérien/akkadien). Se développe un cérémonial de cour tandis que la tendance à l’absolutisme se renforce par l’obligation faite à chacun de prêter un serment de loyauté au souverain.

 

A la mort d’Assurbanipal, vers 627 avant J-C, un nouveau venu, Nabopolassar, s’empare du trône de Babylonie puis, grâce à son alliance avec les Mèdes, prend Ninive en 612 avant J-C : c’est la fin de l’empire néo-assyrien. La Babylonie domine ainsi la Mésopotamie pendant presque un siècle. A la mort de Nabopolassar, en 605 avant J-C, son fils aîné, Nabuchodonosor II, lui succède. Le but de Nabuchodonosor II est de retrouver la gloire ancienne de Babylone. Il multiplie les constructions dont l’architecture a beaucoup impressionné les voyageurs grecs. A la suite des deux sièges de Jérusalem (597 et 587 avant J-C), le Temple est détruit ; le royaume de Juda est à son tour rayé de la carte ; sa population est en partie déportée à Babylone.

 

Vers 559 avant J-C, Cyrus, roi des Perses vassaux des Mèdes, se révolte contre ces derniers et les défait. Il s’attaque ensuite à la Lydie dirigée par Crésus, puis à la Babylonie dont il est vainqueur. C’est la première fois qu’un Etat rassemble différents peuples en son cœur même et pas seulement sur ses marges. Ainsi la Babylonie forme une grande province de l’empire perse jusqu’en 331 avant J-C. Elle est dirigée par un gouverneur perse. La paix et la stabilité permettent une grande prospérité économique.

La politique de conquêtes se poursuit vers l’Egypte où Cambyse, le fils de Cyrus, se fait couronner pharaon et où il établit sa résidence. Son successeur, Darius, étend les conquêtes vers le Nord (la Thrace) et vers l’Est (province de l’Indus). Il réorganise administrativement l’empire non plus en provinces mais en satrapies souvent gouvernées par des parents du roi. Il fait de Suse sa capitale et lance la construction d’une nouvelle ville, Persépolis. La langue et la culture grecques commencent à se diffuser par l’intermédiaire de Chypre cependant que Darius s’oppose aux grecs pour la maîtrise de la mer Egée : c’est le début des guerres médiques.

Son fils Xerxès (486-465 avant J-C) mate une révolte en Egypte et deux autres en Babylonie, puis affronte les grecs. Victorieux aux Thermopyles et à Athènes, mais vaincu à Salamine, l’empire perd peu à peu ses territoires européens. Cependant, cet échec perse, grossi par les sources grecques, n’affecte en aucun cas son fonctionnement. L’empire est une fois encore réorganisé selon de nouvelles circonscriptions, les Hatru.

 

Philippe II soumet les grecs à Chéronée en 338 avant J-C. La pénurie de terres se fait peu à peu sentir en Grèce et les mercenaires non occupés deviennent gênants. Alexandre III, roi de Macédoine, reprend le projet de son père : battre les Perses, affaiblis par les luttes de succession, en s’associant aux grecs. Sa victoire à Isos en 333 avant J-C lui ouvre les portes de la Syrie et de la Phénicie. L’année suivante, la Cyrénaïque et l’Egypte se rallient. Il fonde la ville d’Alexandrie avec pour objectif d’en faire la plaque tournante dans le commerce entre la vallée du Nil et la Méditerranée orientale. Puis il se tourne à nouveau vers la Mésopotamie où il est vainqueur à Gaugamèles, près de Ninive, en 331 avant J-C. Darius III s’enfuit, laissant Alexandre s’emparer des trésors de Babylone, Suse, Persépolis et Ecbatane.

 

 

3.    Des croyances et une culture commune.

 

A.    Un terreau culturel commun.

 

Le panthéon mésopotamien n’a pas d’organisation stricte ni de hiérarchie bien établie. S’y mêlent quelques grands dieux et une tradition locale qui a tendance à diviniser toute manifestation naturelle. Le signe cunéiforme sumérien représentant la divinité est une étoile, mais il désigne plus généralement le ciel et tout ce qui est situé en haut. Immortels, les dieux sont supérieurs aux hommes mais ils leur ressemblent. Leur organisation politique et sociale est considérée comme le reflet de ce qui existe sur terre. Les différents mythes accordent un rôle supérieur à trois dieux : An, dieu du ciel, Enlil, dieu de la royauté, et Enki, dieu de l’intelligence. Une autre hiérarchie se superpose. Chaque ville a une divinité principale qui la protège : Inanna, la déesse de l’amour et de la guerre à Uruk.

Le plus souvent anthropomorphes (qui ont l’image de l’homme), les dieux sont représentés coiffés d’une tiare à cornes qui permet de les distinguer des mortels. Leurs statues demeurent dans les Temples. Garantes de la présence de la divinité, elles font l’objet de soins quotidiens. Elles sont lavées, parfumées, habillées, nourries. Certaines dates de l’année comme le Nouvel an sont l’occasion pour elles de traverser la ville, accompagnées de tout le personnel du Temple au cours de grandes processions effectuées en char et en barque.

Les dieux sont vénérés et craints. Souvent le dieu n’est pas nommé directement car le nom est créateur et donne un pouvoir à celui qui le prononce. Il est désigné par des titres comme bêl qui signifie seigneur.

 

Les mythes orientaux ont été mis par écrits dès le IIe millénaire avant J-C avec par exemple l’Epopée de Gilgamesh. Certains sont lus régulièrement au cours de processions.

Elles se diffusent autour de la Méditerranée par l’intermédiaire des Hittites. Des ressemblances sont relevées dans des grands textes littéraires comme l’Iliade et l’Odyssée.

Plus encore, les thèmes mêmes des œuvres convergent. L’homme est au service des dieux. Tout manquement provoque leur courroux. Même les héros, Achille comme Gilgamesh, n’ont pas le droit à un monde meilleur après la mort.

 

B.    Le mazdéisme, une espérance en l’au-delà.

 

Dans l’empire perse apparaît au début du Ier millénaire une religion originale, le mazdéisme, pratiquée aujourd’hui encore en Iran et en Inde chez les Parsi. On pense que cette religion est due à un homme, Zoroastre, qui aurait vécu vers 1000 avant J-C. il met en place un système dualiste où s’opposent les forces du bien à celles du mal. Cette religion repose sur l’Avesta (le fondement), probablement élaborée dès le VIe siècle avant J-C.

 

Dans cette religion, le lion terrassant le taureau est le symbole du bien victorieux du mal. Le monde des morts n’est plus une contrée désolée, souterraine et obscure. L’âme des hommes pieux, immortelle, monte au ciel et trouve le repos auprès de la divinité.

 

C.     Vers les monothéismes.

 

Attribuer au dieu tutélaire d’une ville la prééminence sur tous les autres dieux du panthéon est une tendance répandue au Proche Orient. A l’échelle d’un peuple, cette attitude se transforme en monolâtrie[1] : il n’y a pas affirmation d’un seul dieu au monde, mais l’affirmation d’un seul dieu pour tel ou tel peuple.

 

Dans les sanctuaires, on prend l’habitude de planter un arbre ou de dresser une stèle car, selon la tradition, Abraham planta un tamaris à Beer Sheba. Au VIIIe siècle avant J-C se développe l’idée selon laquelle l’arbre ou la stèle font partie de la puissance divine.

La disparition du royaume d’Israël en 720 avant J-C favorise la concentration du culte à Jérusalem. Puis la chute du royaume de Juda, comme celle du royaume d’Israël, entraîne la dispersion : une partie de la population est déportée en Babylonie, une autre reste sur place, une dernière fuit en Egypte. Ces populations s’organisent en différentes communautés qu’il faut souder : les premiers livres de la Bible sont mis en forme ; la vie quotidienne se ritualise (sabbat, fêtes…).

Entre la fin du VIIIe siècle et le VIe siècle, chez les fils d’Israël, se développe peu à peu l’idée d’un dieu au caractère unique et universel. Yahvé a envers son peuple une attitude protectrice.

A la suite de l’édit de Cyrus (538 avant J-C), tous les déportés du royaume de Juda ne rentrent pas à Jérusalem. Certains restent en Babylonie. Sous les rois hellénistiques, certains habitants de Judée migrent vers l’Egypte, l’Asie mineure et le monde grec : la diaspora s’accentue. La deuxième grande communauté juive après celle de Judée, est celle d’Alexandrie, ville de culture grecque. C’est là qu’au IIIe siècle avant J-C, alors que l’hébreu est de moins en moins utilisé dans la communauté juive, les textes bibliques sont traduits en grec. Cette traduction, la « Septante », aurait été effectuée par 72 savants juifs.

 

Les relations avec Rome influent aussi sur les courants de pensée et favorisent l’émergence du messianisme. Hérode, fils du procurateur de Judée, est nommé tétrarque par Marc-Antoine, puis roi de Judée. Converti au judaïsme, il affermit son pouvoir par son mariage avec Mariam, petite-fille du précédent roi. Grand bâtisseur, il agrandit le Temple. Cependant, nommé par Rome et attaché à l’hellénisme, il ne peut incarner le nationalisme juif. Apparaît alors, à l’intérieur du judaïsme, une réflexion autour d’une royauté attendue ailleurs qu’ici-bas. De fait, l’attente messianique d’une nouvelle Jérusalem s’est transmise depuis les Prophètes, Isaïe notamment : le messie rassemblerait tous les peuples, fonderait de nouveaux cieux et une nouvelle terre.

Au Ier siècle après J-C, les romains étendent leur domination en Orient. La Galilée reste un Etat client. La Judée devient une province romaine. Le foisonnement intellectuel est intense au sein des judaïsmes et, pour peu que l’on ne touche ni à l’autorité de la Torah ni au Temple, la tolérance est grande. Dans ce contexte se développent, à partir du judaïsme hellénistique, les premières communautés, réunies à Jérusalem, reconnaissant Jésus comme le Messie. Elles donnent naissance au christianisme, d’abord perçu par les romains comme une secte juive parmi d’autres. Le christianisme part du même constat que les judaïsmes : le pays vit dans l’impureté ; il y a faillite des moyens traditionnels de salut. Des temps nouveaux sont imminents. Il faut se purifier d’urgence : c’est le sens du baptême pour le christianisme. Contrairement aux autres mouvements messianiques reposant sur la restitution de la terre et de la gloire d’Israël grâce à un retour à la pureté de son peuple, d’après les Evangiles, Jésus fonde cette gloire sur l’intégration : il admet les païens, sans en faire auparavant des juifs. A partir de Paul, la circoncision (signe de l’alliance) n’est plus obligatoire, seul compte l’engagement spirituel. Le nombre des apôtres reprend symboliquement celui des douze tribus composant l’ensemble du peuple d’Israël. Il y a à la fois universalité et égalité de chacun devant dieu. Parlant directement au nom de dieu, Jésus donne à son message une autorité équivalente à celle de la Torah. En outre, si chasser les marchands du Temple est un acte moral, c’est aussi dans une perspective messianique, une remise en cause de la nécessité même de l’existence de ce Temple, dès lors que la venue de dieu sur terre est proche. C’est pourquoi les judaïsmes finissent par rejeter le christianisme. Parallèlement, au sein même du mouvement judaïque, les modalités de culte évoluent. Un nouveau type d’édifice cultuel apparaît, la synagogue, où l’ensemble des fidèles participe aux rites. Par ailleurs, le sacrifice est remplacé par la lecture et l’étude de la loi.

Les deux grandes révoltes juives contre l’autorité romaine, toutes deux réprimées, encouragent l’attente de temps nouveaux et participent à l’essor des mouvements messianiques. Pendant la première (66-71) les insurgés, réfugiés à Massada, résistent aux troupes romaines jusqu’au dernier ; le Temple est pillé par les troupes de Titus et le mobilier sacré remporté à Rome. L’ultime rébellion éclate en 133, sous Hadrien. L’empereur décide de construire un temple dédié à Jupiter Capitolin à l’emplacement du Golgotha (lieu où a été enterré Adam, de faire de Jérusalem une colonie romaine et de promouvoir les élites juives favorables à l’hellénisme. La révolte de Simon échoue en 135. Le nom de la province de Judée est transformé en « Palaestina » (du nom des Philistins. Le judaïsme garde cependant son statut de religion licite mais l’accès à Jérusalem est interdit aux juifs.

 

 

Véronique Grandpierre, L’orient ancien, mythes et histoire, Documentation photographique, N°8026, avril 2002, pages 1 à 15.



[1] Le monolâtrisme (ou monolâtrie) est une doctrine religieuse qui reconnait l'existence de plusieurs dieux mais qui n'en vénère qu'un.

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